Timpul trece,
Și când rece.
Nu îngheță ca și apa,
Nu întărește ca și lava,
Nu sufocă ca și focul,
Iar se plimbă ca și vântul.
Te împinge de la spate,
Răsuflare nu cunoaște.
Câte-o dată bate tare,
Atunci te ea de pe picioare.
Desfășoară-te pe jos,
Poate vei găsi că are rost,
Să te închini în fața lui,
Și să nu te uiți în jur.
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Le temps passe,
Même quand froid.
Il ne gèle pas comme l'eau,
Il ne durcit pas comme la lave,
Il ne se suffoque pas comme le feu,
Mais il se promène comme le vent.
Il te pousse dans le dos,
Le [répit, soulagement], il ne connaît pas,
Quelque fois il souffle [littéralement: bat] fort,
Alors il te lève de tes pieds.
[Étale, démêle, déroule, détisse]-toi par terre,
Peut-être tu trouveras que cela a du [sens, justification],
De te prosterner devant lui,
Et de ne pas regarder autour de toi.
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Répondant à l'invitation d'écrire comme je le sens, j'ai écrit un poème sans format dans ma langue maternelle, le roumain. J'ai inclus une traduction, bien entendu. Malheureusement, certains mots restent intraduisibles. Vous trouverez donc entre crochets des mots en français qu'il faut combiner pour saisir le sens du mot en roumain.
À travers mon poème, j'exprime à l'aide d'une métaphore avec le vent, le caractère inarrêtable du temps. Son habileté, sous l'emprise du capitalisme, à nous pousser constamment à faire des choses. Sa tendance à accélérer et nous faire sentir hors de contrôle. J'exprime aussi comment nous nous mettons en miettes, nous nous étirons de toutes parts, nous nous sacrifions, afin de répondre aux "contraintes de/du temps" qu'impose le besoin d'être productif. Également, comment nous scrutons nos actions productives pour leur trouver un sens, pour trouver en elles quelque chose qui justifierait le fait de se couper du monde (de l'occuper plutôt que de l'habiter) pour produire de plus en plus. Quelque chose qui justifierait d'être à la merci du temps, (d'en être prisonnier, comme je l'ai exprimé dans ma vidéo). Au final, je crois bien que mon poème sert de témoin au jeu du capitalisme sur notre imaginaire dans lequel le temps existe bel et bien.
J'aimerais entendre le poème récité, tant il me semble que son oralité pourrait aussi parlé de temps (temps entre les mots, temps des inflexions et des accords, etc.). Merci pour ce partage.
Pour pousser un cran plus loin la question du temps, je recommande la découverte du travail d'Henri Bergson, sur la durée (il oppose le temps mesuré par la science, de la durée expérimentée par la conscience et tâche, à partir de là, de réfléchir l'existence). C'est de la philosophie sérieuse, mais je crois que la distinction entre temps vécu et temps compté, entre mesure et appréciation, entre ce qui peut entrer dans le règne de la marchandisation parce que mesurable et ce qui ne le peut pas, parce…