Produire le temps
- mbaci072
- 15 sept. 2020
- 2 min de lecture
La productivité : essentielle à la logique économique capitaliste, enchevêtrée dans quasiment toutes les sphères de notre existence. La productivité et être productif, ou, comme j'aime m'y référer, une des plus grandes obsessions humaines des derniers siècles.
En 1776, Adam Smith écrit: «There is one sort of labor which adds to the value of the subject upon which it is bestowed; there is another which has no such effect. The former, as it produces a value, may be called productive; the latter, unproductive labor.» (Smith, 1974, p. 429-430). Être productif, c’est donc de créer et d’ajouter de la valeur à quelque chose (ou quelqu’un). Il serait possible de dire que d’être productif, c’est de créer du capital, peu importe sa forme.
La caractéristique (illusoire) du capitalisme de rendre « tout accessible » a bien réussi dans le cas de la productivité. De nos jours, il existe toute une économie centrée autour de la productivité. Il existe maintenant des life coaches, des consultants et des applications qui vous promettent d’augmenter votre productivité, de vous permettre de faire plus en moins de temps, de perfectionner votre «time management». Les agendas, même les montres, viennent également y jouer un rôle. Combien de fois n’avons-nous pas regardé l’heure pour s’étonner du temps nous avions perdu à ne pas être productif ?
C’est depuis longtemps que le temps a acquis une valeur monétaire. «Time is money.» a été dit pour la première fois en 1748 par Benjamin Franklin. Toutefois, cette économie relativement récente centrée autour de la productivité a transformé le temps en une vraie commodité monétarisée, édition limitée! Une commodité qui peut être consommée, mais aussi produite si nous en croyons les dires des publicités de ces consultants et de ces applications. Nous faisons du temps; du temps supplémentaire, du temps pour quelqu’un ou quelque chose. Apparemment, maintenant, nous en produisons aussi. Peut-être faudrait-il commencer à parler de « capital temporel »?
Je suis tombée récemment sur un article concernant l’obsession de la productivité dans lequel l’auteur écrit : «I notice myself finding more ways to spend time producing, and less time is focused on being.» (Andrews, 2017). Ainsi, l'idée d'être producitf modifie notre rapport au temps. À la manière d’Yves Citton qui établit la distinction entre occuper un espace et l’habiter (inhabit) (Citton, 2012, p.6-7), l’impératif de la productivité nous amène à occuper notre temps plutôt que de l’habiter.
Pour mon travail final, j’aimerais donc bien partir sur cette idée du rapport au temps, qui, ces dernières années, se voit de plus en plus modifié par l’obsession de la productivité.
Bibliographie
ANDREWS, Dan, (31 janvier 2017). «Our obsession with productivity is ruining our lives», The Post Grad Survival Guide, [en ligne] [https://medium.com/the-post-grad-survival-guide/do-we-need-to-be-so-productive-144eab050aa5] (Consulté le 14 septembre 2020)
CITTON, Yves, avec la collaboration de Saskia Walentowitz, (2012). «Pour une écologie des lignes et des tissages», Revue des Livres, n° 4, p. 28-39.
SMITH, Adam, (2012 [1776]). The Wealth of Nations, Harmondsworth: Penguin, 535 pages.
Nous ferrons la distinction entre capital et travail, entre moyens de production et forces de production, infrastructure et superstructure, mais j'oriente votre attention sur la double question de la plus-value (capital gain) et de la propriété privée. En effet, il me semble que ce soit d'abord le décalage entre ce qui est fournit d'effort (par qq'un, grâce à tout un tas de chose) et ce que fait (produit, mais aussi exacerbe) cet effort. Produire quoi? pour qui? pour quoi? et pour combien?. Décalage entre effort fournit et retour de cet effort, mais aussi donc, dans un second temps, les inégalités d'accès et de distribution de ces efforts.
Le lien avec le texte de Citton est excellent, bravo. En attendant nos…