J’entre dans la cuisine à Ottawa où j’inspire un arôme familier et chaleureux du riz fraîchement cuit qui dégage depuis environ une dizaine de minutes du cuiseur de riz. En préparation pour assembler des boules de riz japonais (des onigiri), du garde-manger je sors toute une collection d’ingrédients: une bouteille de vinaigre de riz, un mélange d'assaisonnement japonais (shichimi togarashi) qui a été emballé en Afrique du Sud, des feuilles d’algue grillées (nori) croustillantes, un produit de la Chine, une boîte de thon sur lequel il est indiqué « produit d’Italie » et un petit tube de wasabi. En réalité ce n’est pas du wasabi mais une pâte de raifort avec un arôme de wasabi. Je sors également un pot de mayonnaise et sur l’étiquette de ce dernier, on lit « fabriqué au Canada à partir d’ingrédients canadiens et importés. » Je place le tout sur le comptoir près du sac de riz sur lequel il est estampé « produit de la Thaïlande. » Dernièrement, je sors chercher mon précieux moule d’onigiri. Il m’est venue de la Chine après avoir placé une commande en ligne. Ce petit contenant en plastique dur à la forme d’un prisme rectangulaire arrondi m’est pratique; il facilite l’étape d’assemblage des boules de riz et assure une taille uniforme partout de manière satisfaisante. Pourquoi prendre le temps de préparer des boules de riz japonais chez soi, lorsqu’il y a comme option celles en vente au comptoir de sushi au supermarché asiatique, et vice-versa?
À partir de ce moule d’onigiri plusieurs « fils » ou pistes se révèlent. L’option d’utiliser un moule plutôt que de façonner des onigiri, un met « classique » au Japon, à la main est même quelque peu symbolique, non? Ce qui m'intéresse surtout est le réseau de circulation et sa ramification. Ici, on témoigne non seulement d’une circulation commerciale de ressources et de produits mais aussi d’idées et de savoir-faire (de marchandise culturelle?) sur le marché international.
Excellent! Après la description (dense, bravo) de cette cuisine, il faudrait dire aussi la dégustation! Choisir une série (chanson?) de gestes pour commencer de tirer les fils est une très bonne idée. Comme vous avez lu A. Tsing l'an passé, je recommande de vous appuyez sur son travail méthodologique et de réfléchir à la façon dont on peut construire un récit (ethnographique) à partir d'une circulation (ici, de produits, mais aussi de traditions culinaires où les cuisines sont assez facilement exoticisées et captées dans un régime commercial où il fait bon manger 'japonais'). Au carrefour de ces deux grandes lignes (d’approvisionnement et de recette), vous pourriez dire beaucoup de choses passionnantes sur ce fameux capital(isme).
Un article (de A. Tsing,…