Je trouvais que le son était un bon média pour capter le(s) discours autour de l’itinérance. J’avais dans l’idée de présenter (pour opposer) des bribes de ces discours, que je considère divisés en deux orientations principales : les discours axés sur le bien-fondé de l’exclusion (en se servant souvent du « risque » que posent les itinérants) et ceux qui, au contraire, se veulent inclusifs et sensibles.
Je me suis cependant rapidement buté à une difficulté : j’ai trouvé très peu de traces de cette première orientation sur Internet. Lorsqu’on tape des mots-clés liés à l’itinérance sur YouTube, par exemple, la quasi-totalité des vidéos sont soit des présentations d’initiatives d’aide aux sans-abris ou des reportages sur les rudes conditions de l’itinérance.
Si je ne trouve pas de traces d’un discours stigmatisant sur les itinérants – alors qu’on est supposé trouver de tout sur la toile – dois-je en arriver à la conclusion qu’un tel discours n’existe à peu près pas? Je me rappelle pourtant ces quelques recrues de mon équipe des Gee-Gees qui, en début de session, m’affirmaient avec dédain être surpris de voir tous ces « f***in’ crackheads » près de l’Université et du Marché By. (J’aurais pu leur demander de me reparler de leurs impressions pour m’en servir pour ce billet, mais zone rouge oblige…)
J’en arrive à la conclusion que le premier discours que j’essayais de capter s’insère plus largement dans une attitude face à l’itinérance et n’en est que le reflet - parfois subtile. D’une part, on essaie de normaliser son existence, sans réellement l’accepter. Un peu comme le dégât qu’on veut balayer sous le tapis. D’autre part, quand on en voit encore les traces, c’est l’itinérant qui pose un problème, pas l’itinérance. C’est lui qui prend toute la place, qui est sale, qui nous dérange dans la rue, qui nous fait peur.
Le second discours aborde l’itinérance différemment. En considérant « l’itinérant » d’abord et avant tout selon sa qualité d’humain, il met l’accent sur le besoin de reconstruire ces liens, vitaux, desquels cet être a été privé. Le caractère problématique de la situation devient dès lors le phénomène en soi, pas les gens qui en sont touchés.
Le premier extrait sonore consiste en la lecture d’une citation de Michel Dallaire qui essaie de justifier sa conception de bancs « anti-sans-abris » qui comportent des accoudoirs au milieu, de façon à empêcher qu’on (qu’« ils »?) dorme dessus. Le second est le témoignage d’Hervé, un homme itinérant, dans une vidéo de l’organisme Entourage, dont l’objectif est la création de liens entre les « sans-abris » et les « avec-abris » en France. Ces deux extraits vocaux sont séparés par un « scratch », son souvent utilisé par les DJs hip-hop pour, entre autres, marquer le passage entre deux chansons distinctes.
Lien vers l'article d'où vient la citation de Michel Dallaire (se trouve aussi dans mon premier billet) : https://www.ledevoir.com/politique/montreal/411851/apres-les-pics-les-bancs#
Liens vers la vidéo de l'organisme Entourage : https://www.youtube.com/watch?v=zErjN2X6sMo&t=95s
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