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Dessin : Jeannine Hubert

Le dessin que m'inspire mon noeud s'avère une représentation de ma grand-mère lorsqu'elle avait la mi-trentaine. Elle était et est toujours une femme de tête qui dirigeait son étage de soins à l'hôpital d'Arvida. Elle se définit par ce métier au point qu'après vingt ans de retraite, elle indique toujours, en se présentant, qu'elle est infirmière ou qu'elle est la « garde » Bédard. Cette facette d'elle me fascine, car pour ma génération de féministe québécoise, le travail peut se percevoir comme un couteau à double tranchant, puisqu'il force à faire double journée de travail avec les tâches ménagères. Toutefois, pour elle cette double journée de travail lui permettait de gagner en indépendance financière et de s'affranchir de l'ombre de son mari. Elle a donc imprégné son âme de son travail.

Une pygargue à tête blanche est dessiné pour limiter le bas de mon dessin, car, pour son époque, ma grand-mère s'est avérée une femme amplement affranchie des contraintes sociales. L'aigle incarne, pour ma personne, la liberté en raison son aptitude à planer entre les courants d'airs chaud et ainsi se déplacer au mépris des contraintes terrestres. Cet aigle s'avère également l'oiseau de proie le plus imposant au Canada (Stocek, 1992), caractéristique qui lui permet de ne pas se restreindre dans ses actions, et qui incarne ainsi un fantasme d'absence de contraintes. Ma grand-mère partage cette affinité pour l'autodétermination et elle a vécu son quotidien pour s'affranchir des contraintes liées à sa condition féminine. Mon aïeule a notamment pu devenir un individu grâce au marché du travail capitaliste qui lui a permis de faire reconnaître ses compétences en soin. Tel le géant aux ailes emplumées, elle a su capter les courants ascendants pour s'élever au-dessus de son essence terrestre. Enfin, le temps que ma grand-mère ne consacrait pas au capitalisme, par le biais de son travail, elle le passait à observer les oiseaux, pour créer des archives des déplacements aviaires. Elle voyageait des centaines, parfois des milliers de lieux, pour consigner les migrations des oiseaux dans ses carnets scientifiques. La base de données qu'elle a contribué à créer s'avère encore aujourd'hui utilisée pour des analyses de populations écosystémiques. Elle narre souvent, une larme à la paupière, la diminution des populations observées causées par l'anthropocène.

Elle porte, sur son dos, les tulipes hollandaises. Ces fleurs sont illustrées puisqu'elles sont au centre d'un bref récit historique qui illustre les problématiques, parfois absurdes qui émergent du capitalisme. Je fais ici référence à la tulipomanie de 1634 au Pays-Bas. Cette crise s'est centré autour de la dilection matérialiste des Néerlandais pour les tulipes marbrées de rose et de jaune. Pour son aspect esthétique et pour la noblesse qui l'admirait, la tulipe hollandaise voit sa popularité augmenter vertiginieusement. Entre les années 1634 et 1637, c'est-à-dire en trois ans, le prix d'un bulbe augmente de 5 900 %. (Faujas, 2013) Pour rendre cette envergure plus aisée à représenter, une tulipe pouvait posséder la même valeur qu'un qu'une résidence luxueuse sur une avenue populaire à Amsterdam. Cette hausse spectaculaire est le fruit d'une spéculation, puisque parfois, ces tulipes sont vendues à des individus sans terrain pour les planter, et ne sont parfois même jamais livrées aux clients qui les achètent. (Faujas, 2013) La bulle spéculative finit immanquablement par se briser, en février 1637, et la valeur de ces tulipes diminue, son prix divisé par un facteur de 100. La peste peut expliquer cette baisse d'acheteurs, mais elle ruine de nombreux commerçants. Dans les peintures de vanité, elle représente souvent la vacuité des biens physiques, mais elle peut également aisément être érigée en termes de symbole de l'absurdité du capitalisme. (Faujas, 2013) Dans ce dessin, ma grand-mère porte les tulipes hollandaises comme un fardeau sur son échine, puisque le capitalisme, même dans sa promesse d'émancipation, lui a fait ployer le dos à quelques reprises. Elle devait notamment puiser dans ses ressources financières pour éponger les dettes de son mari, ce qui lui a toujours paru d'une injustice brûlante.

Enfin, le fenouil encadre ma grand-mère, car il s'avère un symbole de force, lié à la guérison et à la capacité de pousser malgré l'aridité de son milieu ( Gaillard-Seux, 2016). Mon aïeule s'est relevé d'un nombre imparable d'épreuves, imposées par la capitalisme ou fruits d'épreuves de la nature. En effet, cette dernière s'est avérée en mesure d'affronter les conséquences de la seconde guerre mondiale dans son enfance, le financement indépendant de ses études, l'éducation d'enfants en même temps qu'un emploi de grande responablité. Ainsi, malgré l'âpreté d'occurences dans son cheminement, elle a su forcir et fleurir.

Les tracés et les proportions s'avèrent inspirés des représentations de Sailor Jerry dans le tatouage traditonnel américain. Ce style, traditionnel chez les marins américains, représente les déplacements qu'elle a poursuivis, dans son désir de découvrir un monde, même sculpté par le capitalisme.


Médiagraphie

Inspiration visuelle

PINTEREST, s. d.Sailor Jerry Traditional Tattoo - Pinup Red Cross Nurse, [Dessin en ligne]. [https://www.pinterest.ca/pin/543246773796952898/]

PINTEREST, s. d.Sailor Jerry/ Tinkov archive, [Dessin en ligne]. [https://www.pinterest.ca/pin/429460514441763042/]

ALIEXPRESS, s. d. Bouquet de tulipes Orange hollandaise fleurs de mariage de mode faux bulbes artificiels tulipe nuptiale tulipe Orange hollandaise,[Dessin en ligne]. [https://fr.aliexpress.com/item/32820689422.html]

OTTO WILHELM THOMÉ, 1885. Foeniculum vulgare, [Dessin en ligne]. [https://fr.wikipedia.org/wiki/Fenouil_commun#/media/Fichier:Illustration_Foeniculum_vulgare1.jpg]

Sources pour le texte

Articles de journaux

FAUJAS, Alain (2013). « Tulipes : Quand les bulbes dégénèrent en "bulle" », Le Monde, [En ligne]. . [https://www.lemonde.fr/economie/article/2013/08/05/tulipes-quand-les-bulbes-degenerent-en-bulle_3457521_3234.html] (Consulté le 23 novembre 2020).

Contenu web

FÉDÉRATION CANADIENNE DE LA FAUNE (1992). « Le Pygargue à tête blanche », faune et flore du pays, [En ligne].[https://www.hww.ca/fr/faune/oiseaux/le-pygargue-a-tete-blanche.html] (Consulté le 23 novembre 2020).

Article de périodique

GAILLARD-SEUX, Patricia (2016). « L’automédication animale : le serpent et le fenouil, l’hirondelle et la chélidoine. Du mythe à l’indication médicale », Histoire, médecine et santé, no8,‎ p. 47–68. doi : https://doi.org/10.4000/hms.862

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